Des bâtons dans les roues de l'IEF

Où l’annonce d’Emmanuel Macron fait l’effet d’une bombe dans les milieux IEF.

source image : Elysée

C’est certainement l’article le plus difficile à écrire depuis le début de ce blog… D’abord le choc mêlé d’incrédulité face à ces mots alignés sur l’alerte info. Les relire plusieurs fois et réaliser que c’est bien de nous dont parle le Président. Nous qu’il associe aux écoles clandestines et au fanatisme religieux…

Nous sommes donc le 02 octobre 2020 et ce midi, le Président Macron a fait des annonces pour lutter contre le séparatisme.
Alors on va commencer par la base.

Le séparatisme, qu’est ce que c’est ?
Le Larousse nous dit : « Attitude, tendance à sortir d’un ensemble national et à former une entité politique distincte de l’État d’origine. »
Alors ok pour la tendance à sortir d’un ensemble national, par contre pour l’entité politique distincte, non, désolée.

Qu’est ce que le Président a dit exactement ?

Voilà ce qu’en rapporte France Info sur le sujet qui nous concerne :
 » L’instruction scolaire à domicile sera « strictement limitée » dès la rentrée 2021 au profit de la fréquentation obligatoire de l’école dès l’âge de 3 ans, et les établissements hors contrat subiront des contrôles renforcés. « C’est une nécessité. J’ai pris une décision, sans doute l’une des plus radicales depuis les lois de 1882 et celles assurant la mixité scolaire entre garçons et filles en 1969 », a souligné Emmanuel Macron. »
« Aujourd’hui, plus de 50 000 enfants suivent l’instruction à domicile, un chiffre qui augmente chaque année », a indiqué le chef de l’Etat. Il a évoqué des cas de parents d’élèves qui refusent de mettre leurs enfants au cours de musique ou à la piscine et ensuite font le choix de « la déscolarisation ». « Ces enfants ne vont pas au Cned [enseignement à distance], mais dans des structures nullement déclarées », a poursuivi Emmanuel Macron. « Des murs, presque pas de fenêtre, des femmes en niqab qui les accueillent, des prières, certains cours, voilà leur enseignement », a-t-il décrit. »

L’augmentation du nombre d’enfants en IEF

Ce qui est presque drôle c’est que je voulais faire un article à ce sujet, l’augmentation du nombre d’enfants faisant l’école à la maison. Et aujourd’hui le Président l’a précisé : « un chiffre qui augmente chaque année ». C’est un chiffre qui a énormément augmenté, surtout cette année à cause de la covid. Pourquoi ? (c’est là que c’est drôle en fait)
– Parce que certains parents qui hésitaient à se lancer dans l’école à la maison ont pu tester lors du confinement et se sont dit que finalement ils en étaient capables et que leurs enfants étaient épanouis.
– Parce que certains parents ont peur que leurs enfants soient contaminés par le Coronavirus à l’école.
– Parce que certains parents sont contre les protocoles sanitaires mis en place dans les écoles, collèges et lycées.
Vous imaginez un peu le bond qu’a dû faire l’école à la maison dans les statistiques ? Ca doit être assez impressionnant !

Les contrôles

Le CNED… Il n’est absolument pas obligatoire ! Les familles IEF sont contrôlées par l’Inspection Académique chaque année. L’inspecteur discute avec les parents, leur pose des questions sur le choix de l’IEF, ce qui est mis en place pour les apprentissages, les contacts avec les autres enfants via des activités sportives et/ou artistiques, etc. Il peut conseiller les parents, les aider, les rassurer.
Pendant ce temps les enfants sont évalués par des conseillers pédagogiques qui font dans la foulée leur rapport par oral à l’inspecteur et aux parents. Ce qui est acquis, ce qui ne l’est pas. Et là encore ils sont la plupart du temps force conseils.
Le rapport écrit est ensuite transmis à la famille.

Il y a également le contrôle de la mairie qui a lieu tous les deux ans. Ce contrôle a généralement lieu au domicile, ce qui permet aux équipes municipales de vérifier les conditions de vie et d’apprentissage des enfants.

Bref, les familles IEF sont contrôlées ainsi que les apprentissages.

La religion dans tout ça ?

Je crois qu’on arrive là au point qui m’exaspère le plus car il y a amalgame sur amalgame. On met l’islam (car il s’agit bien de cette religion dont parle Emmanuel Macron), les extrémistes et l’IEF dans le même panier, on secoue bien et ça donne : pour sauver ces pauvres enfants endoctrinés, l’école à la maison sera interdite dès la prochaine rentrée.
Je ne dis pas que ça n’existe pas. Mais combien de familles sont concernées ? N’y a-t-il pas moyen de les repérer via les contrôles précédemment cités ?
Je vous rassure, chez nous il y a des fenêtres, des leçons à apprendre et nous suivons la loi en faisant l’école uniquement à nos enfants. (Nous n’avons pas le droit de faire l’école à d’autres enfants, c’est considéré comme une école clandestine justement)

Ca ne vous regarde absolument pas mais puisqu’on en est là, sachez que mon conjoint et moi-même sommes apostasiés.
Cela signifie que nous avons été baptisés (lorsque nous étions bébés en l’occurrence, comme ça se fait la plupart du temps) et qu’une fois adulte nous avons renié notre baptême.
Cela signifie que nous avons eu une longue réflexion concernant la religion et même les religions puisque nous ne nous sommes pas convertis à une autre.
Pourquoi je vous raconte tout ça ?
Parce que je suis en colère qu’au nom de la lutte contre l’extrémisme islamique (parce qu’on parle bien de l’islam radical et pas d’autre chose) nous soyons empêcher de continuer l’instruction en famille qui nous convient tant. Il y a tant de façons de lutter contre ce fléau, pourquoi via l’école à la maison ?

La déflagration sur les réseaux sociaux

Depuis ce midi, ça part dans tous les sens sur les réseaux sociaux. Ca angoisse (j’en suis), ça panique (je suis là), ça s’engueule (j’avoue…), ça préconise des solutions (de tout !), un groupe de défense de l’IEF a été créé sur Facebook, une pétition a été mise en ligne. Dans tous les sens je vous dis !
Je suis allée faire un tour sur la page de l’association UNIE qui, dans sa grande sagesse avait posté ce message :

« Après les annonces de notre Président ce matin, les co-fondateurs de l’association entrent en réunion de crise. Nous reviendrons vers vous plus tard. Inutile de nous spammer sur le mail, la permanence téléphonique ou ici, merci »

Je ne sais pas à quelle sauce nous serons mangés, j’espère sincèrement que nous pourrons continuer à instruire nos enfants à domicile.
Dans un premier temps le projet de loi sera présenté en Conseil des Ministres le 9 décembre.
En attendant, l’attitude qui me semble être la plus raisonnable est de rejoindre des association de défense de l’Instruction En Famille afin qu’elles aient du poids. Plus nous les rejoindrons, plus elles seront entendues par les instances. Je ne vous en conseille aucune et les ai classées par ordre alphabétique (pas de jaloux !) :

Ce soir je suis triste et en colère. Si nos enfants doivent retourner à l’école ce ne sera pas une catastrophe en soi. Mais imposé, cela change tout !

L’aîné, très studieux, n’a jamais été bien à l’école, n’a que rarement passé une récré tranquille. Mais comme c’est un enfant calme, qui encaisse en silence, qui ne se bat pas contre ses agresseurs, donc officiellement tout allait bien. Malgré nos signalements en petite section, puis en moyenne section et encore en grande section et enfin en CP, sa dernière année à l’école du village.

Le cadet était plus à l’aise à l’école mais il était lent. Par contre il rendait un travail nickel. Il se faisait embêter aux récrés mais ne nous l’a raconté que plus tard. Pas de coup mais de l’humiliant, du quotidien, comme son grand frère. En fait c’était devenu juste normal pour eux…

Et le benjamin, lui n’a jamais connu l’école.
Je rappelle à toutes fins utiles que l’instruction n’est obligatoire à 3 ans que depuis 2 petites années. Il n’y a pas si longtemps que ça, on pouvait en toute légalité mettre son enfant à l’école pour la première fois à 6 ans SANS avoir fait l’école à la maison avant.

Que de libertés avons-nous perdu en si peu de temps !

Depuis que nous avons sauté le pas de l’école à la maison (après moult hésitations, il ne faut pas croire que c’est un choix facile), l’aîné s’est ouvert, il respire la joie de vivre. Le cadet a le temps d’écrire et son écriture s’améliore. Le benjamin apprend à son rythme, selon ses attirances du moment et je veille à ce que le programme de maternelle soit bouclé en fin de cycle. Enfin, c’est peut-être une maîtresse ou un maître qui s’en assurera…

Ce soir je suis triste pour tous ces enfants heureux de faire l’école à la maison, ceux qui ont été mis à l’abri de leurs harceleurs (et qu’on ne me dise pas que c’est de l’histoire ancienne, j’ai encore entendu une histoire de harcèlement en primaire hier soir), ceux qui ont le temps d’apprendre à leurs rythme, ceux qui sont épanouis à la maison.

6 commentaires

  • Sudre

    Je suis un peu comme vous, à la fois inquiète et furieuse. Inquiète pour la disparition de nos libertés fondamentales, qui fondent bien plus vite que nos glaciers, en colère et prête à me défendre en justice pour préserver mon droit d’instruire moi-même mon enfant. Surtout quand on voit l’indigence du programme scolaire (notamment du collège) : pas de dictée au mieux une par mois, pas d’identités marquables, les cours d’histoire-géo complètement décousus, rattachés à rien de concret etc… C’est pour cela que nous avons décidé de piloter nous-mêmes l’instruction du petit dernier. Je me battrai pour y parvenir. Courage à tous.

  • Unetazdecafe

    Très inquiète et furieuse aussi… j’ai donné sa chance à l’école et résultat, mes deux enfants ont fini dans un état anxieux très fort, à subir du harcèlement. 1 enfant sur 10 est harcelé à l’école. Je refuse d’y remettre mes enfants pour le moment, la survie de mon grand à long terme en dépend (il a déjà commencé à développer des pensées suicidaires au cours de l’année dernière, à seulement 6 ans). Ce qui me hérisse le plus, c’est le prétexte ubuesque : « pour sauver la liberté (et les valeurs de la République), on va en supprimer », quand on combat le radicalisme par du radicalisme, ça ne donne jamais rien de bien… et dire qu’ils ont le toupet de parler d’école de la confiance ! La confiance, ça ne se force pas, ça se gagne (mais pour cela, il faudrait y mettre des moyens)… pour le moment, le système scolaire « classique » a perdu la mienne… je n’entends pas sacrifier le bien-être de mes enfants à une volonté de contrôle de l’Etat. Je n’ai rien à cacher, ils peuvent venir nous inspecter quand ils veulent… mais qu’on nous laisse notre liberté d’instruction en famille.

  • Thaïs

    L’augmentation du nombre d’enfants faisant l’école à la maison s’explique (pas seulement mais) AUSSI par le fait que l’instruction a été rendue obligatoire à 3 ans. Il y a forcément plus de déclaration.
    Pour nous aussi, c’est l’angoisse.
    Bon courage.

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